Le Cros, quelque part au milieu des Cévennes

Je referme le deuxième sac qui servira à transporter nos vélos. Dans la cour de notre petite maison ici au coeur des Cévennes, je me demande si nous avons vraiment envie de partir.
Pourtant c’est certain. Ces deux îles nous font rêver, sorte de bout du monde, de paradis de l’outdoor dans notre imaginaire fertile quand il s’agit d’aventures !
Hier j’ai lu une ancienne légende Maori sur ces îles. Elle évoquait que face à une telle beauté naturelle, la déesse de la mort et des ténèbres voulut préserver la quiétude des lieux. Elle répandit des milliers de petits diables pour chasser les mortels… Aujourd’hui on les appelle les Sandflies…

La confiance …

Auckland 3 décembre

30 heures de voyage dont 11 d’escale, ça laisse des traces. Mais comment se plaindre. La température est bien différente de celle que nous avons laissé derrière nous. On extrait un short des sacoches, Elise, ses tongs, je regrette déjà les miennes.

Steeve nous accueille. La physionomie du kiwi est là. Tout y est. Short, pieds nus, regard clair et le sourire bienveillant. Présentations faites, il nous convainc rapidement de dormir chez lui plutôt que de poser la tente dans son jardin. J’acquiesce volontiers.

Il est passionné de vélo, adhérent au réseau warmshower depuis déjà plusieurs années et nage presque chaque jour ses 2 km dans l’océan. Nous l’avions contacté pour nous accueillir avant de prendre la route mais aussi pour lui demander de nous servir de consigne. Les sacs de transport des vélos resteront ainsi sous sa maison durant 1 mois et demi.

On discute, échange, se questionne sur nos vies respectives. Le plaisir de la rencontre est bien là. C’est la confiance qui s’établie spontanément qui nous surprend en premier lieu…
Imaginez la scène chez nous ; vous accueillez 2 cyclistes désireux de traverser votre pays qui vous demandent hospitalité et stockage, vous les nourrissez, leur offrez un lit, et le lendemain matin vous allez nager en laissant ce petit monde vaquer au remontage de leurs engins d’aventure… Nous on a été décontenancé de cette confiance immédiate et sans contrepartie.

Ce pays nous attirait pour des raisons bien différentes en vérité. Icône des amoureux de nature préservée et sauvage, depuis quelques années les choix en termes d’agriculture sont interpellant, presque à contre-courant de l’éveil qui semble prendre de l’ampleur chez nous.
Premier producteur de lait mondial (4 millions d’habitants…Les mauvaises langues diront 10 fois moins que de moutons), la Nouvelle Zélande profite d’une mondialisation bien réelle et d’une consommation frénétique du peuple chinois qui poursuit l’occidentalisation de son mode de vie.
Alors quels effets ? Les hobbits sont-ils menacés ? La rébellion est-elle en marche ? Ce pays si jeune sera-t-il capable de résister à toutes les sirènes ?

Comptes Strava échangés, on quitte Auckland. Quand le digital permet de garder le contact, il a du bon…
Les orages ont cessé, le voyage démarre au sens littéral, pas encore dans nos esprits.

Aotearoa

En préparant le voyage, on a hésité, choisi, renoncé, débattu. Elise a trouvé une trace d’une Divide locale qui nous a séduit presque aussitôt. Brevet de 3000 km qu’il faut parcourir en 30 jours, nous choisirons de l’emprunter dans sa grande majorité, en s’octroyant les escapades indispensables à notre quête de rencontre et de découverte. On veut trouver des « organics Farms » qui s’investissent dans une forme raisonnée d’agriculture. On en débusque quelques-unes, internet nous permet les contacts, l’accueil est favorable.

La nuit tombe sur cette première journée, l’angoisse qui ne nous quitte pas depuis le départ monte encore un peu, celle des premiers tours de roue, de pédale, celle de ne pas savoir à quoi les routes ressembleront, celle de ne pas savoir encore où nous poserons notre tente, une sorte de fuite en avant s’installe, on continue de rouler comme pour tenter d’y échapper… une crevaison, un champ fraichement coupé, et enfin le voyage démarre.

Les bivouacs seront nombreux sur l’île du nord, inexistants au sud pourtant plus sauvage. Les sandflies ne suffisent pas à dissuader les voyageurs nombreux à l’étroit dans leur abri en tôle d’acier.

Les Campervans sont LE moyen de visiter ce pays, ils sont tellement répandus que des parkings leur sont dédiés partout… les tentes ? Oubliées… Sans doute parce que le vélo n’est pas encore envisagé comme un moyen de découverte des lieux…

Un soir d’ailleurs sur l’île du sud sur un « cycle trail » parfaitement identifié comme tel, nous arrivons dans une petite ville qui indique un camping gratuit en lieu et place de son ancienne gare désaffectée (elle servait au transport de bois). L’emplacement était l’un des rares autorisé dans les environs…. Eh bien notre tente était tolérée sur le parking, et pas dans l’herbe grasse qui le bordait… Pour les campervans, pas de problème…

Cela reflète grandement le sentiment qui s’établira au fil des kilomètres parcourus, celui que les activités outdoors en Nouvelle-Zélande sont « lissées » et trop souvent motorisées… Dans chaque « I-site » (office de tourisme) nous trouvons des plaquettes pour remonter les rivières en jet boat, d’autres pour aller constater la fonte des glaciers en hélico (!!) Bref, on se replie vite sur notre itinéraire fait de gravel road et de routes secondaires délaissées.

Le Aotearoa tour emprunte ces cycles trails préservés, à l’abri de la circulation frénétique des campervans ou celle plus effrayante des truck chargés du bois arraché aux forêts primitives. Cela nous permet une découverte de l’intérieur, tellement plus passionnante à nos yeux, tellement plus lente, tellement plus riche.

Redwood forest

On quitte la trace pour longer la côte Est, objectif découvrir Rotorua. L’arrivée en ville est ponctuée par la sixième ou septième crevaison, la contrepartie du plaisir que procure le gravel sans doute…
Rotorua est une ville importante, la population Maori y est fortement représentée. Au sud de la ville se trouve un bike park très couru, ce n’est pas sa notoriété qui nous attire mais le fait qu’il ne soit pas pourvu de remontées mécaniques.
J’aime ce concept de « trails center » que nous avions découvert en Ecosse au cours d’un précédent voyage. L’effort récompensé ! Ne croyez pas que nous soyons des stakhanovistes de l’effort. C’est juste que l’ascension fait partie du jeu pour nous, on aime grimper avant de se laisser porter par le flow d’une jolie trace. Et puis les rencontres se font à la montée, rarement dans l’effervescence d’une descente technique, engagée et/ou rapide.

Nous posons nos gravels au pied des pistes, enfourchons nos montures de location et partons découvrir les trails en accès libre. Cette journée sera fabuleuse à plus d’un titre, une journée de repos ou presque… en discutant avec Bob (Warmshower sur la ville d’Ashhurst) nous apprenons que les traces sont réalisées par des prisonniers de droit commun en guise de travail destiné à leur réinsertion, les chemins de la rédemption en quelques sortes…
Forêt primaire, fougère arborescentes, séquoias géants et plusieurs fois centenaires, on s’y sent tout petit.

Forgotten World Highway

Timber trail, Waikato river, les trails s’enchainent, tous magnifiques, tous parfaitement balisés. Nous croisons certes quelques cyclistes mais peu au regard de la qualité des itinéraires, souvent parcourus sur de petites portions d’ailleurs. Notre deuxième écart de la trace se fera après le lac Taupo. Un nom nous interpelle, une trace identifiée comme une Highway, mais celle d’un monde oublié. Rien de mieux pour attiser nous curiosité, et puis c’est la route presque naturelle pour New Plymouth où nous avons rendez-vous avec Derina, permacultrice.
150 km de route perdue au fond d’une vallée verte, magnifique, délaissée. Avec ses portions de gravel road les campervans ont fui son tracé, préférant le confort et la vitesse que le bitume procure.
En son milieu une ville particulière auto-proclamée république en défiance aux instances légales du pays, Whangamomona. Bastion d’indépendance, refuge d’idéaliste, elle nous offrira l’abri pour une nuitée de repos hors du temps.

Le jardin de Dérina

La mer est à nouveau devant nous, mais cette fois ce n’est pas le Pacifique, c’est la mer de Tasmanie. Rien ou presque ne les distingue sauf peut-être la quantité de précipitation que cette dernière apporte sur la côte Ouest de l’île. Au loin on ne distingue que la base du Taranaki, le plus haut volcan de cette île, un cône quasi parfait qui flirte avec les 3000m. Brian et Elisabeth nous accueillent dans cette ville aux allures de San Francisco. Bord de mer et florilège de jolies maisons côtières, je n’ose dire villa car les maisons sont ici majoritairement en bois. La sismologie de l’île n’est pas une légende, chaque néo-zélandais le sait.
Brian passionné d’histoire écrit. Ses récits évoquent les néo-zélandais qui ont été à deux reprises défendre la liberté de notre hexagone, si loin de chez eux, ils paraissent tellement concernés, alors que notre détachement ne fait que croitre à l’heure ou la méditerranée engloutie des vies. Elizabeth roule, presque chaque jour, profitant d’une retraite et d’une douceur de vivre enviable dans ce coin de l’île. De la même façon l’accueil est incroyable, l’envie d’apprendre de l’autre manifeste, nous échangeons recettes de cuisine contre l’hospitalité d’une nuit supplémentaire… quand la gastronomie Française se troc…

L’autre rencontre de New Plymouth se fera le lendemain, le contact pris avec Dérina notre défenseur d’une agriculture raisonnée comme on dit.
C’est au fond d’une ruelle que nous découvrons sa maison, elle est bien loin de l’image d’une ferme, mais alors très loin, pour un peu on aurait presque fait demi-tour, mais vous savez … la curiosité…
Lorsque qu’elle décrit son jardin, toutes les plantes/fleurs/essences qui y figurent, Elise n’en croit pas ses yeux… Le sol est recouvert de fraises, partout, loin des rangées ordonnées du potager de votre grand père et à des années lumières des monocultures des plaines du Nord de la France que nous avons fuies.
Elle enseigne son savoir à quelques Woofers de passage, elle partage, elle raconte, elle essaye, elle recommence, elle contribue… Entre New Plymouth et Wanganui, la communauté en permaculture est importante et ne cesse de grossir. Ils luttent à leur manière contre l’industrialisation de l’agriculture dont ils constatent les effets sur l’environnement naturel.
Des fermes avec une centaine de vaches nous semblent importantes en France, ici ce sont 400 ou 500 vaches sur des pâturages tournants. Souvent des tunnels relient les pâtures en passant sous les routes ouvertes à la circulation… on s’insurge quand un projet à mille vaches est abordé, ici c’est commun. « Farm is business » !

Les chaussettes de John

En quittant nos hôtes et poursuivant la « surf Highway » qui contourne le volcan, il nous offre enfin son sommet ! Les maoris le vénèrent, les Kiwis en font un commerce mais tous le craignent.
Nous profiterons de lui et d’un vent favorable (une fois n’est pas coutume), jusqu’à Wanganui.

C’est là que nous trouvons John et Ann. 86 ans, des chaussettes en mérinos trop larges pour ses mollets, John me fascine de suite.

Ancien fermier et parfaitement conscient aujourd’hui des mauvaises pratiques de toute une partie de l’économie de son pays, il nous raconte sa vie, celle des siens, inquiet pour celles à venir…

Tantôt philosophe, tantôt espiègle comme un enfant de 8 ans, il nous fait découvrir la potion magique des All black (au petit-déj c’est rude…)

Sa bienveillance est totale, sa femme Ann n’est pas en reste, ils nourriront notre corps comme notre esprit et resteront gravés à jamais comme une leçon de recul sur la possession, l’altruisme et même plus simplement l’affection qu’ils témoignent spontanément aux autres.

On repart plein Est sur la trace du Aotearoa tour. S’enfoncer de nouveau dans l’île est synonyme de dénivelé, on le sait, on l’accepte, parfois je pense même qu’on le souhaite. Comme si sans effort la route était moins belle, moins précieuse, la bière du soir moins savoureuse.
Notre bivouac du soir se fera sur un carré de pelouse fraichement tondu (l’autre sport national en NZ…) derrière la maison communale de Rangiwahia. Ce n’est pas à proprement parler une ville, ni même un village, tout juste quelques maisons le long d’une route ou nous ne croiserons qu’un hérisson bien imprudent.
Pourtant derrière cette maison communale, il y a tout ; de l’eau, des toilettes parfaitement tenues, des enveloppes pour que vous laissiez les quelques dollars demandés en échange de l’aménagement et la quiétude du lieu. Seuls des Français pourraient imaginer ne pas payer… jamais nous ne céderons à cette tentation 😉

Le record

A Ashhurst nous rencontrons Bob, un jeune prof, cycliste, surfeur. Il nous accueille comme si nous avions fait toutes nos études ensemble. On échange devant le breuvage universel au houblon de ses projets. Il part en vélo faire un tour des spots de surf en Europe dans juste quelques jours… il nous pose mille questions sur nos vélos, notre équipement, notre parcours… on le met en garde sur la surveillance de son matériel qu’il faudra qu’il adopte en France, sur la côte atlantique surtout au cœur de l’été… pas très fiers de nous…

Il nous accompagne dans son bike shop favori sur Palmerston, j’ai un rayon cassé. Il fera la route avec nous sur son fixies bricolé, le sourire qu’il arbore en dit long sur le plaisir qu’il prend quotidiennement sur cette « trapanelle », je l’envie presque…

Le ciel de la fin d’après-midi nous laisse peu d’espoir, on avance sous les premières gouttes tout en sachant qu’elles ne sont là que pour annoncer la suite…
On trouvera un petit abri qui devait nous abriter pour la nuit, en fait il nous abritera jusqu’à ce que le niveau de l’eau nous réveille… notre tentative de garder notre tente au sec cette nuit-là échoue donc vers 3h du matin. Le réveil sera moins facile que d’habitude. Mais je pense détenir le record du montage de tente dans le noir…

Nous avions prévu de rester une journée sur Wellington, avant de prendre le Ferry pour passer sur l’île du Sud.
En arrivant par la seule voie d’accès, coincée entre la highway et la voie ferré, on est presque effrayé. Heureusement la piste cyclable est protégée de part et d’autre, mais l’arrivée dans le port complique les choses, autoponts, voies rapides, échangeurs, on n’est plus à notre place.
Terminal, billets, ferry de nuit… à 5h du mat on débarque sur l’île du Sud…

Le palace étanche

Tous les voyageurs rencontrés nous ont dit la même chose… l’île du Sud est plus sauvage, plus belle, plus tout… Picton nous accueille et c’est vrai que nos premiers kilomètres sont exceptionnels. Une côte découpée, des baies préservées, les quelques maisons accrochées aux pentes abruptes sont jolies et se fondent dans ce nouvel environnement. Nous dévorons les Mussels locales, sortes de moules géantes accommodées à toutes les façons, un régal… même pour un Cancalais.

La descente vers le sud est facile, nos muscles ont parfaitement enregistré ce qu’on attendait d’eux quotidiennement. Comme une routine, chaque matin nous plions tente et affaires, chacune d’elle ayant trouvé une place optimale dans nos espaces limités des sacoches.
Deux petites sacoches de 12 l devant, une sur le guidon pour la paire de chaussure nous permettant d’échapper à notre condition de cycliste quelques heures. Et enfin une sacoche de selle, la mienne accueille notre tente 3 places, un palace presque étanche.

Le vent s’est renforcé aux abords du Mont Murchison, Elise a contacté Nikki depuis la France, après avoir parcouru son blog, l’envie de la rencontrer fut immédiate.
Avec son mari écossais, ils ont lâché job et vie d’avant pour une carte postale. Sur la carte postale, une ferme avec pour horizon des montagnes enneigées.
Nous arrivons devant la carte postale, superbe…
Une maison en bois venue par la route, des vaches écossaises aussi rugueuses que belles, des moutons affectueux et la farouche volonté de faire pousser ses légumes. Nikki et Ewan se battent contre l’altitude, le vent. Ils inventent, ils innovent avec une baignoire pleine de vers de terre qui leur confectionnent le meilleur engrais naturel du monde.
Ce qui nous frappe immédiatement c’est le lien qu’ils entretiennent avec leurs animaux… presque tous les éleveurs en ont un, mais là c’est différent. La perte d’une vache est vécue comme celle d’un proche, la décision d’en abattre une semble impossible.
Aucun commerce n’est ainsi réalisé, ils se contentent d’une consommation personnelle et ont choisi de prendre des emplois de complément pour assurer leur autonomie financière. Ewan travaille pour un viticulteur proche. Ils sont heureux, heureux de résister ici, à leur façon. On connait bien ce sentiment que l’on croyait jusqu’à lors cévenol uniquement.
On est alors le 23 décembre, ce diner ressemblera pourtant à un réveillon familial plein de bienveillance, d’affection, de partage, de sourires…

West Coast, Rain Forest

Pour descendre davantage vers le sud, c’est à partir d’ici qu’on choisit car il faut passer d’un côté ou de l’autre de la plus haute chaine de montagne de la Nouvelle Zélande.
Notre choix pris depuis longtemps est déraisonnable à souhait pour celui qui voyage à vélo.
Les grimaces de ceux qui nous questionnent sur notre itinéraire, nous confortent un peu plus à chaque fois…
Le West Coast trail est magnifique, les deux premiers jours splendides. Alors, sa réputation est-elle usurpée ? Je trépigne d’impatience à l’idée de voir ces montagnes à la fois si hautes et si proches de la mer.
Le mont Cook, je préfère le mont Aoraki, culmine à 3700m et ne doit être éloigné que d’une trentaine de km de la cote. Deux glaciers l’entourent.
Lorsque nous arrivons au premier, le Franz Josef, nous restons là un peu hagards, au centre de la ville grouillante de touristes. Un bruyant ballet quasi ininterrompu d’hélicoptères les emportent vérifier l’irrémédiable fonte des glaciers… nous nous sentons bien seuls avec nos montures silencieuses.
On s’enfuit. Un camping à Fox Glacier nous servira de refuge.
Le réveil est humide, la tente cède aux assauts d’une pluie froide, lourde. On plie.
Le voyage à vélo procure ce sentiment de pouvoir toujours s’extraire, d’une réalité, d’un quotidien, d’une situation. Aujourd’hui, ni nos vélos, ni nos jambes n’y parviendront. La pluie s’insinuera partout, au plus profond de nos vêtements. C’est quand elle envahit même votre esprit, lorsqu’elle prend toute la place, que le combat commence. Je ne veux pas combattre, je la laisse seule faire son ouvrage, s’abattre sur la forêt, dégringoler les montages en cascades furtives, grossir chaque rivière. Elise est au combat, avec elle-même, avec la pluie, avec la pente, elle gagne souvent, mais ce jour-là, je sais qu’elle a douté.
Pourtant je suis certain que sans cette pluie nous n’aurions pas vu la même forêt. Elle durera 2 jours sans discontinuer.
Dès le Haast Pass franchi, elle s’étiole, se fait légère, s’oublie…

Happy new year

Nous sommes au cœur des montagnes, les lacs de Wanaka puis Hawea s’offrent à nous. Du vert profond de la rain forest nous passons aux nuances de bleu de leurs eaux. Le soleil finit de sécher nos vêtements qui flottent accrochés aux sacoches.
Wanaka est prête à fêter la nouvelle année, nous nous fondons avec un certain plaisir à l’effervescence ambiante, en laissant la musique actionner nos muscles.
Le premier jour de l’année se fera à pieds, au fond d’une vallée fermée, une montée douce qui serpente le long d’un torrent glaciaire, un morceau de pain à l’avocat pris en guise de repas de fête au pied d’un glacier bleu et d’une cascade tournoyante dans les bourrasques de vent.
Fallait bien panser notre excès de foule de la veille.

Queenstown

Décrite comme une ville d’artiste, on découvre une ville qui cède du terrain à un tourisme croissant, sa douceur de vivre semble évidente mais doit être encore plus marquée en dehors de l’été.
On profite des glaces les plus chères de toute la Nouvelle Zélande, mais qu’importe, parfois il faut savoir céder.
Certains irréductibles pestent contre les excroissances de cette ville qui fleurissent. Une plus grande majorité y trouve un intérêt économique de taille, les promoteurs en tête. Je me dis que nos lois littorales ont du bon.
On prend deux billets pour le Ferry du lendemain pour Walter Peak, car notre itinéraire se poursuit là-bas de l’autre côté du lac.
La traversée s’effectuera avec un couple de bikepackers Brenda et Jason croisés sur la route la veille. On sait juste qu’une piste traverse les Eyre Mountains et qu’il faudra attendre Mossburn pour y trouver de quoi manger.
Ce sera sans doute l’un des plus beaux endroits parcourus, les cirques de montagnes noires et grises nous entourant littéralement.
Des combats à mener en vélo, je crois que le vent est le plus dur, sa puissance s’imposant à celui qui résiste. Aujourd’hui il sera notre compagnon.

Bluff

Comme lors des derniers km de la French Divide, je reste enfermé dans mes pensées. Celles de ne pas savoir encore ce que sera le prochain voyage, la prochaine destination. Pourtant j’ai l’impérieux besoin de savoir qu’il y aura bien une destination, un projet, des rencontres…
On voit au loin le port, la ville, la fin de la côte. Le vent est très fort, comme s’il ne voulait pas que nous finissions, il prolonge l’instant.
La pancarte est là, indiquant quelques destinations lointaines et improbables. Le kilométrage indiqué pour évoquer l’éloignement sous chaque nom nous semble presque dérisoire au regard de celui accompli pour venir ici.
Un bus de touristes s’arrête, une nuée s’avance vers le poteau, portables en main. Les clichés représenteront un panneau pour eux, une destination pour nous.

Bluff 3077 km,13 nouveaux amis, des milliers de sourires.

Article publié dans le numéro 21 de “200 Le vélo de route autrement”